lundi 11 mars 2019

Debbie - nouvelle d'Anaïs Lepine















Les joues roses de chaleur et d’alcool, les yeux pétillants, le sourire charmeur et les dents éclatantes, Debbie danse devant moi. La foule s’écarte de son chemin, la laissant libre de ses mouvements et me permet ainsi, à moi, de l’admirer. J’admire l’aura qui émane d’elle, cette sensualité, ce charisme qui met à genoux quiconque croise son regard.  Dont moi.                                    

 De toute façon, même si je l’avais voulu, je n’aurais pas pu l’éviter.                                                                        
Au milieu de tous ces gens pourtant tous plus originaux les uns que les autres, Debbie attire le regard. Ses manières, son rire, ses yeux, même le simple fait de boire un verre est tout un art chez Debbie.                              

Je ne peux arrêter de la regarder, elle va finir par me prendre pour un fou mais, je ne peux m’en empêcher, je n’ai tout simplement jamais vu quelqu’un d’aussi…INTENSE.



« Qu’est-ce qu’elle est belle » « T’as vu son corps ? » « Je n’oserais jamais l’approcher»



Je souris en entendant ces mots. Envie. Désir. Jalousie. Mes éternels compagnons depuis que je suis née.                                                                                                     Je sais ce que je suis. 
Et je sais ce que j’inspire.                                     

Ce mélange de crainte et de désir brille dans leurs yeux et me donne toute-puissance sur leur esprit. Je laisse mon corps se balancer au rythme de la musique, laissant volontairement les vautours se rassasier des courbes de mes hanches, du galbe de mes chevilles, de mon ventre plat qui apparait quand je lève les bras. Je sais pertinemment que lorsque je tourne brusquement la tête, mes cheveux volent autour de moi et qu’ainsi, de tous côtés, je suis irrésistible.                                        
Je balance ma tête en arrière et éclate de rire. Je sais. Toutes les têtes se sont tournées vers moi, tous désireux de croiser mon regard.            

Et je m’en moque éperdument.                                     

Je n’en regarde aucun, pas besoin de cela pour capturer l’attention, JE suffis pour être au centre de toutes les conversations, sur toutes les bouches, dans tous les esprits. Je lance délicatement mes bras en l’air et laisse leurs regards réchauffer mon cœur de glace. Ils me croient sensuelle. Ils me croient complexe. Ils me croient intense.                                                     

Quelle ironie, je ne suis qu’une coquille vide. Mon cœur est froid et l’a toujours été. Je n’éprouve ni désir, ni envie. Pas de craintes, pas d’espoirs.                                                    
Je ne suis qu’une illusion que leurs désirs, leurs espoirs, renforcent. Les regards

de toutes ces personnes à mes pieds, toute leur adoration, leur amour, leur passion, viennent sublimer Debbie. Chaque soir, chaque nuit qui passent la rendent plus lumineuse, plus envoûtante, plus réelle.      

Homme ou femme, ils aiment tous se complaire dans le mensonge, dans mon mensonge. Comme je les comprends, je leur livre une prestation à couper le souffle, une pièce de théâtre où Debbie est le rôle principal et qui, comme toujours, les hypnotise. Face à mon spectacle de chimères et d’illusions, la réalité fait pâle figure, elle ne peut vaincre Debbie, alors elle se brise.                       
Et c’est le seul moment où j’accepte de les regarder. Pour admirer l’instant ; quand la contrefaçon dépasse l’originale.                  

Pourtant, rares sont les personnes à oser m’adresser la parole, et aucune à rester à mes côtés.                           

Cela ne me dérange pas. C’est la seule chose que j’ai toujours connue. Je sais comment fonctionnent les gens, comment ils me perçoivent, comment tourne le monde, et même si je ne le sais pas, je m’en moque éperdument.



La porte est soudain défoncée par un policier en uniforme. Aussitôt, la panique s’installe et tout le monde fuit. Je soupire et regarde paisiblement cette débandade. Des moutons armés en chassant d’autres.                           

En souriant, j’avance vers les policiers. Je sais que je vais sortir. Il suffit de demander. Et Debbie sort.

La nuit vient me souffler sa brise froide d’hiver et j’avance vers l’obscurité, je ne regarde pas ce qui se passe dans le bar.



Je m’en moque éperdument. 





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