vendredi 29 mars 2019

Festin de Mandragore - poème de Gracie de la Nef






Bel homme maudit par tes frères,
toi qui fut un temps fort et fier,
toi qui fut damné par dégoût ,
toi à qui l’on brisa le cou ;
quel coup pendable as-tu joué ?
À qui tes coups ont-ils coûté ?
Était-ce  une femme que tu meurtris ?
Était-ce un semblable, un ami ?
 As-tu senti scrupule amer
quand tu t’es su voué aux vers ?

Bel homme pendu par tes pairs
toi qui flotte enfin dans les airs,
Entends-tu la sombre requête
qui monte à travers les pâquerettes ?

- Je veux de ta peau brune faire conquête...
laisse-toi découler jusqu’à ma bouche.
laisse-moi  savamment savourer
dans la moiteur de cette terre
la dernière semence d’un homme encore vert
qui, de trépas,
terminera en enfer.
Laisse-toi dériver.
Laisse-moi absorber
ta part liquide
en mon antre fibreux.
Je saurai ranimer
au poison de mon feu
les cendres de ton âme.
Je saurai trouver corps
à ton esprit impieux .
Il suffit de céder
avant que le fil ténu
entre muscles et atma
ne vienne à lâcher .

Et le macchabée de répondre :
- Je suis mauvais ; non lâche !
Je préférerais fondre ;
me voir percé d’un pieu !
Plutôt , avec ma mort,
être pendu encore,
écorché, calciné
que de me laisser prendre à ton jeu licencieux –
ô varice carnivore
qui caresse mes pieds.

- Soit , si c’est ton vœu.
Mais prends bien garde alors …
Si, dans ton dernier ébranlement,
tu te berces et t’endors
au bout de ton lacet funeste,
J’insinuerais au fil du rêve
des mirages  indécents.
Je récolterais les restes
de ton agonie lascive.
Je volerais l’albe de sève
dans mes feuilles abusives.
J’obtiendrai par la ruse
ce que tu me refuses.
Ça te surprend Trésor ?
Il faut que je survive ;
que je me perpétue...
Le cri de Mandragore
qui rend fou  et qui tue
résonnera encore ...



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