samedi 24 novembre 2018

Selma - nouvelle complète - par Augusta Pommeraye





Selma était belle et je l’enviais. Ses boucles noires tombaient sur ses épaules brunes, ses yeux d’un bleu profond étaient soulignés par des cils noirs, épais et longs. Ses lèvres épaisses étaient toujours maquillées d’un rouge sombre. Elle avait un port altier et était sûre d’elle –si sûre d’elle que ça énervait les hommes, qu’elle dominait de son rire placide. Elle était douée : au lycée personne ne venait à bout de ses dissertations : ses phrases denses et soignées contenaient un savoir qu’elle avait développé durant des heures souterraines, dont j’ignorais l’emplacement, moi qui la voyais si souvent. 
Ses muscles saillants fortifiaient la beauté de son corps : sa taille était fine mais son ventre dur. Lorsqu’elle courait elle n’écoutait plus ni son cœur qui battait trop vite, ni son souffle qui s’épuisait, ni ses jambes qui lui faisaient mal, ni ses pieds qui heurtaient le sol dans un bruit de ventouse. Non, elle courait et son corps pouvait trembler, sa tête être presque prête à exploser, balayée d’une douleur lancinante, son visage pouvait ruisseler de sueur ou de larmes, elle n’y pensait pas, elle ne pensait qu’à battre son propre record.
Elle était fière et n’avouait jamais ses peines. Même à moi, son amie la plus proche, elle ne les déversait pas en refrains plaintifs. Elle ne semblait pas avoir de douleurs secrètes, lorsqu’elle désirait quelque chose, elle l’obtenait. Et si elle ne l’avait pas eu, elle taisait son audace déçue si fort qu’elle devenait inaudible, inodore, invisible. Et personne ne connaissait ses failles.
Je l’imaginais dans de multiples professions, mais toujours elle était reine, dominait. Je prévoyais son succès avec jalousie mais surtout avec toute l’admiration que son amitié nourrissait en moi. Je l’aimais tellement.
J’aimais son rire sec, ses réflexions parfois âpres et son excentricité dans sa perfection. J’aimais le fait qu’elle soit aussi extravertie, j’aimais ses réflexions étranges et nos conversations philosophiques sans références aucune, et nos références sans fond. J’aimais notre snobisme adolescent. Nous gravitions dans un monde que nous avions créé et que personne n’aurait crevé. Nous avions des fantasmes de fuites, que nous élaborions ensemble. Nous voulions nous enfuir si loin, nous voulions nous enfouir ailleurs. Nous étions unies et pour les autres et, parfois, nous n’étions plus personne.
Mais elle nous réintégrait toujours dans la société. Elle s’intéressait à chaque personne, avec une supériorité suffisamment simulée pour qu’elle passe inaperçue auprès des plus bêtes et qu’elle amuse les plus observateurs. Grâce à elle, je connaissais tout le monde. A cause d’elle, tout le monde me connaissait. Je l’aimais et ne pensais pas qu’un jour cette amitié pourrait s’arrêter. Je la voyais sans fin, comme ma vie dans mes espoirs déments, m’accompagnant comme mon pauvre corps qui ne cessait d’enfler. Je ne savais pas ce que j’étais sans elle, je n’avais jamais existé sans elle. Mes premiers souvenirs dataient d’après notre rencontre. Elle avait évolué en moi plus qu’avec moi, elle m’avait si profondément influencée que je n’avais plus d’identité propre. Je l’avais si souvent fait changer d’avis qu’elle était devenu le miroir de ce que je croyais qu’elle était, de ce que je voulais qu’elle devienne, de ce que j’aurais aimé être. Elle ne pouvait vivre sans mon admiration, je ne pouvais penser sans ses réflexions.
***
Mais le temps a passé et à mesure que nous grandissions, que nos poitrines se formaient, que nos corps se couvraient de poils que nous tâchions de supprimer non sans douleur, à mesure que nous commencions à nous détester nous-mêmes, nous nous mîmes à nous quereller entre nous. Un agacement produit par ses habitudes, une nouvelle amitié dont elle était jalouse et déjà, nous n’étions plus si proches.

Mais elle revenait toujours. Et nous nous connaissions encore.
Brusquement, nous nous sommes éloignées. Nous avions seize ans. Elle était grande et belle mais elle s’est recroquevillée. Sa voix s’est faite plus douce, presque imperceptible. Ses yeux sont devenus grands, noirs de peur, embués de larmes. Ses joues se sont creusées, ses muscles ont fondu. Elle est devenue un petit tas de terre, qui avait trop honte pour oser parler, trop peur pour sortir de chez lui. Elle n’a plus étudié, elle préférait rester seule, allongée sur son lit, à contempler son plafond en comptant les lézardes puis à se lézarder le corps à coup de couteau.
   Tout le monde voyait sur son bras les coupures et ça nous lacérait l’âme comme ça lui lacérait le bras mais nous n’osions rien dire. Nous faisions comme si nous n’avions pas vu, nous n’en parlions même pas entre nous. A mesure qu’elle s’assombrissait, nous l’oubliions. Elle cherchait à se cacher derrière son ombre et nous plissions les yeux pour ne plus la voir. Pour ne plus voir ce tas de douleur, pour ne pas avoir honte de ne rien faire. Et nous la rejetions –autant qu’elle se rejetait elle-même.   J’aurais pu la sauver, mais j’ai fait comme les autres. Je l’ai ignorée. J’ai continué ma vie sans elle- alors qu’elle avait été omniprésente, alors qu’elle avait contribué à bâtir mes seize premières années, alors que je savais que je ne trouverais pas mieux qu’elle, que je ne pourrais partager avec personne tout ce que nous avions partagé, et les projets que nous avions nourris ne sortiraient jamais de terre.
   Lorsque je lui parlais –pour des raisons pratiques-, un immense malaise s’installait. Elle n’était plus la même. Je la voyais mais je ne la reconnaissais pas. Et je sentais ses yeux me dire : « Je veux mourir » et sa voix qui prenait parfois un ton acerbe à mon égard, qui sous-entendait : « Et tu ne fais rien. » Lorsque je m’endormais, parfois, je pensais à elle et je pleurais. Je ne voulais pas qu’elle meure. Mais elle était déjà morte. Ce qui avait survécu n’était pas ce que je connaissais. Ce qui avait survécu ne me concernait pas.

Le 19 septembre de notre année de première, Selma est morte. Elle ne reviendrait plus. Ce fantôme que je voyais errer dans les couloirs, ce n’était pas elle. Ce cancre qui ne connaissait plus rien, ce n’était pas elle. Cet être asocial qui n’osait plus parler et qui était si maladroit quand il le faisait, ce n’était pas elle. Ces rivières de honte, cet océan de douleur qui émanait d’elle, ce n’était pas elle. ________________________
Des cauchemars me prenaient, je me réveillais en sang, en sueur et en larmes. Meurtrie par les blessures que je m’étais faites pendant mon sommeil, avec un couteau qui traînait par hasard sur ma table de nuit. « Tu as lâché les chiens sur moi. » La voix de Selma résonnait dans ma tête. Je n’arrivais plus à dormir. ___________________
Lorsqu’on me demandait où elle était, pourquoi nous n’étions plus ensemble, je baissais les yeux. Je disais que nous nous étions éloignées. Je ne pouvais pas dire que nous nous étions fâchées. Je ne pouvais pas expliquer que je l’avais abandonnée. Je ne pouvais même pas me l’expliquer.
-Seigneur, Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ? ---------------

Un soir, elle est arrivée chez moi, recouverte de pourpre. De sa mâchoire coulait du sang. Elle avait changé. Elle se tenait droite. Et son teint, quoiqu’un peu sombre, avait des allures de victoire.
-Je les ai tués.
Je ne compris pas. Je ne voulus pas comprendre. La vérité était enfouie en moi depuis toutes ses années, elle explosa.
Et, placidement elle, commença. Le récit du 19 septembre. ------------
Selma : Un soir. Nous rentrions du lycée et…
Moi : Oui.
Selma : Tu ne m’as pas aidée.
Moi : Je sais. Nous rentrions du lycée et…
Selma : Ils sont venus.
Moi : Deux hommes.
Selma : Ils étaient grands et forts.
Moi : Mais toi aussi.
Selma : Oui. Mais pas assez.
Moi : Ils se sont jetés sur toi.
Selma : Non. Tu les as jetés contre moi.
Moi : Quoi ?
Selma : Alice ! Ils se sont précipités vers toi mais tu n’as pas voulu. Tu t’es débattue. Tu leur as dit : « Partez ! » Mais ils ne voulaient pas. Ils étaient avides. Voraces. Assoiffés. Ils continuaient à te toucher mais tu ne voulais pas. Alors tu les as mordus.
Moi : Ma mâchoire me fait encore mal.
Selma : Mais ça ne suffisait pas. Ils te voulaient encore.
Moi : Oui. Alors…
Je me tus. Le sang arrivait à mon cerveau. Mes joues me brûlaient. Un bruit sourd se répandit dans mes oreilles. Je fus aveuglée une seconde. Mon souffle se perdit. Je crus défaillir mais je restai debout. Encore. Encore debout.
Moi : Alors je leur ai dit…
Je ne peux pas le dire. Je voulu baisser les yeux mais elle soutint mon regard. De sa voix froide, elle me dit :
-Tu leur a dit : « Allez la voir . »
Je criai : 
-Tu ne peux pas dire ça ! Ce n’est pas vrai ! 
Je tombai à ses genoux. En larmes. Je m’accrochais à ses genoux cagneux, je tentais d’embrasser ses pieds, que je lavais avec mes cheveux.
-Tu ne te laveras pas de ta faute ainsi.  
Elle était toujours calme. Tellement calme que cela me glaçait. C’était la vérité. Elle ne mentait pas. Elle écrasa son pied sur mon visage. Je me redressai.
-Tu me le paieras de toute manière, un jour où l’autre. Tu me le paies déjà par la culpabilité qui pèse sur toi. Je te vois diminuer d’un jour à l’autre, Alice. Je te vois lorsque tu ne me vois pas. Je sais que je te fais peur. Elle rit.
-Selma. Je te connais. Je te connaissais.
-Alors pourquoi as-tu fait ça ?
Silence.
Selma : Car ce n’est pas fini. Ils se sont péniblement retirés de ton corps et ils se sont approchés de moi.
Moi : Ils n’ont pas pénétré mon corps.
Selma : Non. Leurs mains sales se sont juste frottées sur tes os.
Moi : Oui. Mais ils se sont approchés de toi et…
Selma : Tu ne peux pas le dire ?
Silence.
Selma : Si tu ne peux pas le dire alors, très bien.
Elle hurla :
- Très bien ! Je le dirai moi ! Au nom de notre amitié. Au nom des projets que nous avons fait et que nous ne ferons plus jamais ! Au nom des heures passées avec toi à éplucher ton mal-être, au nom de la peine que tu as su lire en moi lorsque je ne l’avouais à personne, au nom de notre amitié, Alice, je le dirai. Puisqu’il faut le dire. Puisque la vérité doit éclater car sinon elle bouillira en toi et te pourrira lentement chaque muscle, jusqu’à ce que tu ne puisses plus en utiliser aucun. Ils sont arrivés. Ils se sont approchés de moi, d’abord timidement. Puis le premier.
Moi : Tu ne diras pas ça.
Selma : Puis le premier…
Moi : Tu n’en parleras pas !
 Je pleurais.
Selma : Le premier a mis sa main sous mon haut. Il a caressé mes seins, lentement. C’était presque agréable.
Moi : Arrête !
Elle rit.
Selma : C’était presque agréable. Puis il a déchiré mes vêtements. Le deuxième aussi. Et ils m’ont pénétrée.
Moi : Arrête.
Selma : Ils m’ont pénétrée et j’ai eu mal. J’ai eu tellement mal et tu nous regardais. Tu n’as rien dit.
Moi : Selma, je t’en supplie… Arrête !
Elle rit.
Selma : Et quand tout ça fut fini, quand je ne pouvais plus m’assoir tellement j’avais mal, quand mes jambes et mes bras étaient couverts de bleus et les leurs de morsures, tu es partie.
Moi : Selma…
Selma : Mais avant de partir, tu as fait quelque chose.
Moi : Selma…
Selma : Tu t’en souviens, n’est-ce pas ?
Moi : Selma… Arrête !
Selma : Tu t’en souviens de ce que tu as fait !
Moi : Non.
Selma : Si.
Moi : Non, Selma, je t’en supplie, ne parle pas de ça. 
Selma : Je le ferai ! Puisque tu as oublié, je le ferai ! Je baissai les yeux. Elle prit mon visage entre ses mains et le redressa. 
Selma : Regarde-moi. 
Moi : Je ne peux pas. 
Selma : Tu ne veux pas.
Moi : Selma, je sais. 
Selma : Tu as rigolé. 
Silence. 
Selma : Ils m’ont violée et tu as rigolé. 
Elle l’avait presque crié. Son ton était victorieux et fier. 
-Tu es partie. Tu m’as laissée seule, et sale, avec mes vêtement qui n’en étaient plus, avec mon corps qui n’en n’était plus un et qui de toute façon ne m’appartenait plus, qui ne m’appartiendrait plus jamais, dont je ne voudrais plus jamais, tu m’as laissée avec mes larmes qui m’inondaient, tu m’as laissée avec mes peines.
Moi : Mais ta peine était déjà là, Selma ! Toutes ces années, ta peine était là, cachée, tapie derrière ton sourire et tu l’ignorais. Je t’ai connue enfant, Selma. Je t’ai connue violente. 
Selma : Et alors ? elle était partie. 
Moi : Je sais. 
Selma : Alice, pourquoi? Pourquoi m’as-tu fait ça ?
Je voulu la prendre dans mes bras. Elle recula. 
Selma : Ne me touche pas !
Moi : Je ne peux pas me l’expliquer. J’ai eu peur. 
Selma : Ce n’était pas seulement ça. 
Moi : Selma ! 
Selma : Tu as eu envie de me détruire. ------------ 
Un silence se fit.
Moi : Oui. 
Elle ouvrit les yeux. Elle se calma enfin. 
-J’ai été jalouse mais j’ai surtout eu peur. Oui, enfin tu t’écroulais sous mes yeux, toi que je vénérais. Et c’est pour cela que j’ai ri. Et mon rire était aigre et sale. Mon rire était un rire de malaise.  Et c’est pour ça que je pleure, Selma. 
Elle ne voulut pas me regarder 
-Selma, prends-moi dans tes bras. 
- Je ne peux pas te regarder. Tu me dégoûtes avec tes bras impuissants, ta mémoire qui se trouble quand elle ne veut pas voir, ta langue qui ment. Tu me dégoûtes avec ton discours double. Avec ta lâcheté. Avec ta cruauté partielle. Tu me dégoûtes avec ta nostalgie. Avec tes souvenirs de notre attachement puéril. Tu me dégoûtes avec ton affection. Que je sens encore collée contre moi. Que tu ne mérites plus. 
- Tu dois me pardonner pourtant.
Elle se mit à pleurer. Un torrent de larmes qui la fit se tordre. Elle dut s’asseoir. 
Moi : Tu ne peux pas vivre comme ça. 
Selma : Je ne vis plus. 
Moi : Je sais. Selma pardonne-moi. Au nom de notre amitié gâchée, pardonne-moi. Je suis impardonnable mais je ne peux pas vivre en te sachant ainsi, si seule et si triste. Selma, je veux t’aider.
Elle se redressa.
Selma : Pas aujourd’hui. Demain, peut-être.
Elle se coucha sur mon lit et ferma ses paupières. Une flaque de sang s’était formée autour d’elle. Ce n’était pas le sien, et elle sembla enfin connaître le repos. Ce n’était pas le sien mais le leur. Elle les avait tués. Tous les deux.
Je sortis de la pièce et lui fit couler un bain froid. J’y mis des roses blanches et un parfum de lilas. Je me mis au piano. J’entendais ses gémissements au loin, ses larmes couler.
----------- 
  Mais le lendemain, elle se lèvera et elle ira se baigner dans l’eau froide. Ses larmes auront séchées, elles mettra sa tête dans l’eau transparente qui se teindra de rose. Elle sourira. « Le monde a éclaté deux fois, dira-t-elle. Il peut enfin se reformer. » Et elle mettra la tête sous l’eau. 





jeudi 22 novembre 2018

Aussi belles soient tes vérités - Poèmes de Virginie Vandenbossche


De toutes mes forces

Je t'ai aimé de toutes mes forces, 

Cœur éprouvé, gratté l'écorce 
Sève écoulée, milles entorses, 
Je suis couchée, racines sans force … . 
Déracinée  et loin des miens, 
Région trouvée, je me maintiens.
Mes muscles ne me tiennent plus, 

Ma tête, pardon, ne me suit plus, 
Que se passe t-il lorsqu'un moment 
Le lâcher-prise amène le vent,
Le vide, le tout, le rien 

L'abandon du temps qui nous soutient ? 
Les tourments d'antan incessants 
D'ardeur, et de teneur , 
Soutenant terriblement de leurs arguments 
La profondeur des châtiments méritants 
Subis, déplacés, 
D'un corps déjà meurtri 
Par le chagrin et le poids de sa vie,
Tremblent mes mains 

De mes gestes apeurés, 
Peur du lendemain, 
D'être abandonnée.
Plûme, tel est mon nom , 

Je dirige les émotions,
Au fond du fond, 

Je prends une forme, 
De cœur à corps,
En somme, en sors 

Le pire, le neutre 
Et le meilleur.

Promises   -     Promesse

Je reconnais la faculté d'exprimer 

Les ressentis, depuis longtemps refoulés, 
Et même s'ils ne sont que partiellement acceptés 
La Vérité ne peut, toujours, que blesser.
 

L'entendras-tu ? 
L'acceptes-tu ?
 

Je suis un TOUT ? 
Un Tout-ou-rien, 
Un rien de tout, 
Tout à chacun 
De prendre un bout, 
Un bout de rêve.
Je te fais la promesse 

d'Aimer ce tout de toi, 
Cet être unique, non parfait, 
Qui fait de toi ce que tu es.

Aussi belles soient tes vérités

Sensibilité , tu m'impressionnes ! 
Aussi belles soient tes vérités, 
M'hérissent le poil, me font pleurer, 
Elles côtoient de près, 
La ferveur de la passion, 
L'effervescence des émotions, 
La puissance de réaction, 
A toutes manifestations 
Non contrôlées, non contrôlables.
La moiteur n'existe pas ! 

Tu entres et me fais prisonnière de tes 100 pas,
Je suis ta fille.
A fleur de peau, 

Et à tâtons
Réactionnaire à l'émotion, 
Vindicative à l'abandon,
Amoureuse de l'Amour 

De la Vie , de l'Humain, 
Je prônerai toujours 
L'Aventure et les voyages, enclins
A développer la bonté, 

La générosité, 
L'empathie , la volonté 
D'un monde meilleur.

mardi 20 novembre 2018

Mare - Poésie d'Ema Dubotz.



L'eau est entrée.
De phlyctènes humides en écumes cataractantes.
Suis-la, la bulle d'air, elle remonte, concentrique. Amarrée, la vie s'époumone et je suis soudainement saisie de sursauts. Mordre à nouveau la poussière. Merde. Rien n'est plus beau que ces bruines sanguinolentes que je recrache. Je gerbe en convulsions. J'en pleure. J'en ris. J'en pleure. Suis-je complètement folle ? Une fumée âcre allergène m'irrite insidieusement les narines, la gorge et attise quelques tranchées saillantes à mon poitrail. J'en trace les contours de mon dernier jour.
Se dégager. Se hisser. Continuer. Le temps se fond en une lente chute et graduelle journée opalescente durant laquelle je m'évertue à trouver nourritures. Je ne fais que marcher, marcher, et marcher. Suis-moi. J'erre, je tangue, je vacille, je m'écroule, et je me relève, je cherche une once d'humanité. Pas un pigeon, zéro gens alentour. Que ce silence assourdissant. Un vide, une oppression tenace et pesante qui crée un bruit obsédant dans ma tête, bourdonnement dedans. Je me sens comme une étrangère perdue dans cette paranoïa futuriste. La superbe recouvre l'insensé. Je suis l'animal acculé au suicide. Je parle, je crie, j'appelle en vain. Pas de réponse. Personne. Je suis à la recherche du moindre son, un quelconque signe qui prouverait l'existence de l'autre. Mais rien. Juste le temps qui siffle en pluie finement poudrée et cet écho perçant la vitre de mon humeur.
Regarde, l'espace a tissé sa toison flamboyante, l'air invisible est  palpable, une matière, nitescence fluide que je peux étreindre à pleines mains ! Une envoûtante dimension se propage. Te voilà enfin. Un transfuge radieux illumine ma figure presque effacée. Je peux enfin effleurer les traits de ta chevelure, des vagueries en fin de compte, décompter les fils, rêches raclures filoches, couperets déments à la fin, fleurs apprêtées, revêches après en fin de compte, enfin à moi toute seule.
Cela fait combien d'heures que je t'observe, feuillage extraordinaire, combien de jours que je tresse ta couenne translucide, que je converse avec toi, continuum diaphane ? Tu ne réponds pas. Il n'y a pas d'ombre. Pas d'accalmie. Quel jour sommes-nous ? Tu ne réponds jamais. La nuit n'existe plus. Il fait jour tout le temps. J'ouvre les yeux, il fait jour. Je ferme les yeux, exténuée, il fait encore jour. Je me réveille ankylosée et il fait jour, encore et encore. Tout le temps est jour. La durée n'est que jour. Combien de jours déjà ? Te toucher encore. Oui toucher encore ton air fardé, ton phare.
En me dirigeant, stupeur, je m'aperçois qu'on m'a volé quelques phalanges...


lundi 19 novembre 2018

Dialogue en un instant de vie, entre Jo et un interlocuteur qui n’est pas Jo (c’est tout ce que l’on sait de lui). Par Jo Galetas



« Jo, parle. 
- De quoi ? 
- De ce que tu veux. C’est l’heure de ton monologue. 
- Bien. Chacun satisfait son besoin de sensualité comme il peut. Certains hommes vont directement à la source en s’entourant de femmes. J’ai connu quelqu’un qui passait des heures à regarder la danse et le déhanchement des drapeaux au vent, si proches de la frénésie des danseuses de flamenco. Vous savez, celles qui dansent sans se soucier de rien, qu’elles aient un public ou non, qu’il soit le bon moment ou non, qu’on les apprécie ou non. Personnellement, je me délecte à laisser couler dans mon oreille l’huile raffinée que constitue la voix de beaucoup de présentatrices et intervenantes radio. Vous savez, ces voix. Douces de soie et fluides d’huile. La source semble ne jamais se tarir même si parfois elle craque ou  grésille. A ce moment, je suis comme paralysé, pris de frissons et de tremblements, comme un fétu au cœur du vent, et pourtant si calme. Tout peut se passer pendant que se déroule une voix comme celles-ci, mais rien n’atteindra mon esprit. Jusqu’à nouvel off. Vous savez, ces voix, ces voix. L’absence de perturbation se double toujours d’une autre absence, celle de l’envie d’en savoir plus, l’envie de voir le visage derrière la voix. Après tout, gardons secret ce frémissement féminin en n’en dévoilant pas sa source. Le plaisir restera celui de l’imagination et de la supposition. 
- Tu sous-entends que les femmes n’ont rien de vraiment intéressant à dire, dans le fond ? 
- Je croyais que j’avais le droit à un monologue. Quand bien même tu serais poli, tu aurais faux. Les femmes ont l’avantage de la forme, certes, mais dans le fond… 
- Dans le fond ? 
- Tous, mâles et femelles, sont pareils. 
- C’est-à-dire ? 
- Ils lisent ce qui est écrit sur le papier. » 
 

samedi 17 novembre 2018

Una Settimana a Roma - Poèmes de Clément Gouty




Quelques souvenirs d’un voyage d’études de 8 jours et 8 nuits à Rome en compagnie de mes camarades et de deux professeurs de l’Université...


Ici, c’est Roma 

Ici les flics roulent en Fiat et ont de belles sapes.
Et sur toutes les églises y a les armes du Pape. 
Ici, les Pakistanais parlent Italien en agitant les mains.
Et y’a de l’huile d’olive dans tous les petits pains
Y’a marqué SPQR sur toutes les poubelles 
Et des merles qui jouent dans des ruines vieilles et belles
Ici les ambulances font pas le même bruit qu’à Paris.
Avec quatre notes, c’est un peu plus joli
Ici, y’a des orangers dans la rue, 
Et des citronniers le long des avenues.
Dans les confessionnaux, tu peux parler English ou Italiano pour te livrer 
Et un feu rouge s’allume quand c’est occupé.
C’est l’industrie de la confession.
Les italiens sont bavards, dit-on. 

 SPQR = Senatus Populus Que Romanus (« Le Sénat et le Peuple »)
 


Roma paradoxale 

Rome tu vis tu meurs tu ris tu pleures.
Ton pavé taché de sang plus d’une fois, Rome tu peux être le pire des endroits. Ton ciel bleu écrasant les dômes et laissant tranquille les dogmes, écrasant l’angoisse et laissant place aux arts, arts mineurs ou arts majeurs peu importe, car du haut de l’Esquilin veille Sainte-Marie Majeure.
Roma tu peux être le plus beau des lieux, même si tu en es parfois à mille lieues. 
Tu nous fais peur, tu nous fais plaisir, tu es complètement folle mais tu es plus sage que nous. Parce que tu sais vivre, tu n’as pas peur comme nous.
De sang et de beauté, de bizarre et de sublime, d’amusant et de mystique, tu es faite de boue et de gemmes, pierre précieuse sertie avec nos tripes, berceau du monde, tombeau de l’âme !


Souvenirs d’un Parisien Quasiment Romanisé 

Rome tu vas Rome tu viens. Tu as des hauts tu le prends bien, tu as des bas ça va aussi. On aime te dire hello, mais bientôt ce sera arrivederci. 
Les Césars veillent sur les forums, les ruines et les rues de la ville, éternelle capitale d’un nouvel empire, dans notre cœur et nos souvenirs, fatale vestale qui ressuscitera à l’avenir.
Parce que, de tes cendres, tu as toujours su en renaître, tu renaîtras, tu revivras, et le monde à nouveau connaîtra la Dolce Vita !


Une semaine à Roma 

Saint-Pierre, Saint-Père, Rome qui s’amuse ou Rome austère, tristesse sous un ciel bleu ou rigolade dans le vent, partout des palmiers, en l’air des goëlands. 
Rouge comme le sang ou comme les murs des bâtiments, vêtue de marbre blanc comme le Vatican, tu es là, tu nous attends au tournant, tu nous guettes en rigolant, la vie continue son torrent.
On passe de place en place, on salue les chefs-d’œuvre en pleurant, parfois on rit devant les monuments. Tu es la capitale de l’amour, tu es belle par tous les temps, mais en sept ou huit jours on ne te connaît pas vraiment. 


8 jours, 8 nuits, Caput Mundi

Ils vont et viennent. Partent de Paris pour la Ville éternelle.
Ils courent, ils s’aiment, ils sèment, ils vivent, ils admirent. 
Ils passent une semaine dans la capitale du monde, et repartent, et retournent étonnés chez eux, par un temps froid, humide. 
C’était un peu comme un rêve.  
Mais si c’était à refaire, ils le referaient !


Rome en quelques chiffres  

2765 ans. 
1400 km de Paris. 
Des millions de cœurs qui battent. 
1 âme.
De l’amour, de la gloire, des souvenirs ; un soleil qui brille pour tous, où chacun peut trouver sa part de lumière. 
Roma, longue vie à toi !

mercredi 14 novembre 2018

L'enfant - poèmes d'Igor Mouret







L’enfant

Toi, l’enfant sauvage
Tu souris à l’arbre
Au reflet du soleil
Sur l’eau de ton cœur
Les chats, les chiens
Tes compagnons de voyage
Sont complices de tes regards
Car ils voient en tes yeux
Le reflet intact de leur être.
Marcher et courir
N’a toujours été pour toi,
Qu’une façon de voler sur la terre.



Regard


Je te regarde agir,
De tes mains naissent des caresses,
Des prises, des élans.
De tes mains naissent des œuvres,
Que tu offres à ton âme.
Des gestes qui soignent,
Des gestes pour dire,
Combien la vie peut être grande et belle,
Lorsque tu sens le regard de l'amour,
Se poser sur toi, à contempler ce que tu es.
Dans ce moment, tu sens éclore
Dans les profondeurs de ton être ,
La passion de vivre
La passion de créer
La passion d'aimer.
L'enfant a besoin De ce regard pour grandir.
L'enfant est en chacun de nous.


Ici, la vie est.

J'ai ralenti ma vie,
Au point où j'ai trouvé l'envie.
Un point si petit, qu'il m'a fallu la vie,
Pour le trouver, ici.
Ici, c'est l'envie, et dans l'envie, la vie.
Rien qu'elle et sa douceur.
Son odeur d'amour,
Qui rend chaque instant, présent.
J'ai pris le temps, et le temps m'a pris
Tout simplement.
Embarqué dans son mouvement,
Si lent, et tellement, troublant.
Là, la vie est.
Là, est la vie.

Adieu collines - poème d'Estelle Sciortino

Dans de grands champs de visions, je chassais l'élan Sûre qu'un jour, mon nom se pendrait à l'horizon Je me disais...