Minotaure souffre bien de
sa double nature.
N’étant pas décidé à
mourir pour autant,
Il refuse de tenter la
funeste aventure
Que lui conseillent de
très nombreux charlatans.
D’après les magiciens et
selon les psychiatres
Gonflés de phrases vides,
gorgés d’émoluments
Minotaure échapperait
enfin aux tourments
Dont il hérita de sa
cruelle marâtre
En laissant l’insipide
Thésée s’emparer
De sa plus belle corne à
la pointe acérée
Pour la lui enfoncer dans
son cœur tout bruissant
De colères et laver sa
folie dans son sang.
Retranché, seul et grave,
dans son vieux labyrinthe
Minotaure est
pensif ; il arrive d’ailleurs
Qu’il sanglote en songeant
à ces gens qui éreintent
Sans pitié un pauvre homme
dont ils savent les pleurs !
- Car oui, je suis un
homme, dit-il, pas un taureau :
Vous m’accusez sans cesse
de faire le Mal
Or comment pourrait-on
juger sales, immoraux
Les instincts d’un
vulgaire et stupide animal ?
Mais vous croyez donc que
c’est moi qui ai choisi
De naître dans ce corps ô
combien disgracieux
Habité de désirs jusqu’à
la frénésie
Me condamnant à ne jamais
revoir les cieux ?
Enfermé nuit et jour dans
cet affreux dédale
Je ne peux que maudire le jour
six fois fatal
Où mon père, ce bovin,
séduisit la damnée
De la matrice de qui, par
malheur, je suis né !
Vous pressant dans vos
temples ou bien dans vos églises
Vous y allumez fort
dévotement des cierges
Mais mon seul cloître à
moi, Minotaure, c’est Elise,
Clara ou Pénélope, ou
n’importe quelle vierge !
Est-ce de ma faute si,
pour vivre la jouissance
Il me faut égorger
savamment au matin
La jeune fille dont vous
regretterez l’absence ?
Pour moi elle n’est jamais
qu’une précieuse catin !
Cependant je ne peux sans
regrets assouvir
Mes besoins sanguinaires,
et ça me fait souffrir
De devoir nuit et jour
avec rage lutter
Contre le démon de la
Culpabilité !
Et ma Conscience et moi
entamons une lutte
Epuisante bien plus
que la marée furieuse
Ne l’est pour les marins,
car sa voix impérieuse
Tâche en moi d’étouffer la
mâle voix du rut !
Hélas ! La bête en
moi triomphe et se réveille
Chaque soir en versant des
flots de sang vermeil
Car de sexe et de mort, j’ai
faim et je suis ivre
N’aurais-je pas pourtant
acquis le droit de vivre
Quand ma mère amoureuse
d’une bête à corrida
S’offrit à ses désirs sur
le foin d’une étable
A l’heure où, dans
l’Olympe, les dieux ivres s’attablent…
Une coupe à la main, Jupiter
décida
Qu’une femme zoophile devait
donner le jour
A un enfant maudit,
enfermé pour toujours !
Né de l’atroce folie d’une
plaisanterie
Pourrais-je être
aujourd’hui un aimable mari ?
J'adore les poèmes à mythologie ( moi même adepte de la thématique ) ... Quel courage , et brio, d'avoir traité celui-ci tout en alexandrins !
RépondreSupprimerMerci, chère Delphine ! J'aimerais beaucoup lire vos propres écrits sur le sujet
RépondreSupprimerJe n"'ai pas écrit sur le Minotaure; ma partie c'est Asteria, Mélusine; Perséphone, Isis, Mandragore ou bien Babayaga ... choisissez , je vous enverrai un texte :)
RépondreSupprimerVous pouvez m'adresser un texte sur n'importe laquelle d'entre elles - quand je disais : vos propres écrits sur le sujet, j'entendais : la mythologie, et pas forcément : le Minotaure.
SupprimerJe prends note ... et recherche dans mes textes :)
SupprimerBeau et profond poème, je trouve.
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