vendredi 5 avril 2019

Tableau de chasse - conte érotique de Françoise Urban-Menninger









































Les équinoxes sont-elles propices à l’amour ou du moins à plus d’amour ?
C’est ce que prétendait Isabelle, mon amie, ma sœur de toujours. Plus gaie, impavide, les yeux rieurs, elle brûlait à ces époques d’une ardeur qui l’embrasait de clartés nouvelles.
Un rien déclenchait  en elle une myriade de sensations qui la menaient à l’extase.
Le simple frottement de la lanière de son sac sur le bout de l’un de ses seins suffisait à faire fulgurer au fond d’elle-même des ondes de désir.
L’innocent et fugace frôlement d’une main sur la sienne avait le pouvoir de la faire basculer sur un canapé, toutes cuisses dévoilées sur un sexe déjà humide, prêt à être sur-le-champ honoré  plutôt deux ou trois fois qu’une !
Dans la rue, elle appelait tous les hommes du regard, voire de ses vœux...Du moins ceux qui connaissaient ce langage-là et ses contraintes…
Contrainte ! Voilà un vocable qu’elle affectionnait car contrainte, elle adorait l’être !
Quoi de plus délicieux que cet aveu des yeux qui prennent appui sur vos propres yeux et se glissent avec indiscrétion jusqu’au fond de votre âme...Ou plus exactement jusqu’au tréfonds de vousmême...Qu’il était doux de sentir sourdre les larmes du plaisir de l’écrin le plus intime qu’il fût... Qu’il était fou de se laisser conduire les paupières fermées sur un lit pour y être prise assise, les jambes arrondies en fer à cheval autour des hanches de l’amant qui vous fouaillait au rythme régulier de ses coups de butoir.
Jouir, voilà un verbe gai et plaisant ! Mais éprouver cette jouissance, quelle aventure autrement excitante… Et d’un amant à l’autre, Isabelle entreprenait cette quête insatiable toujours renouvelée pour son plus grand bonheur !
Elle reconnaissait les yeux clos, les mains expertes d’un garagiste qui la faisait démarrer au quart de tour pour la laisser pâmée, encore secouée de spasmes convulsifs, dans l’odeur enivrante de cambouis et d’essence.
La main massive du bûcheron la faisait frissonner et trembler comme l’arbre avant la cognée et ses cuisses largement fendues accueillaient avec ravissement le tronc qui la travaillait avec la précision d’un métronome.
Du peintre en passant par le musicien, le plombier ou même son dentiste, Isabelle avait ainsi fait le tour de toutes les professions usuelles et cela dans leur aspect le plus intime !
Cependant, il manquait à ce tableau de chasse, un chasseur, justement !
Cet automne déjà fort avancé et roussi plus vite qu’à l’accoutumée, les cerfs en rut emplissaient de leur brame les bois tout entiers aux abois. Isabelle séduite par l’atmosphère sensuelle et sauvage qui émanait de la forêt, marchait sur un tapis de feuilles d’or, tous les sens en émoi, dans la lumière qui la nimbait.
Le brame puissant d’un cerf déchirait les limbes d’un air lourd et saturé quand Isabelle sentit avec force monter en elle cet appel irrésistible qu’elle ne connaissait que trop bien.
A l’orée d’une clairière, elle rencontra trois chasseurs….
La croupe tournée vers le soleil couchant, elle leur fit fête et reçut avec reconnaissance leurs multiples hommages. Après que l’un l’eut forcée debout, encore cambré dans ses bottes, un autre la reprit en levrette, couchée sur une litière de feuilles de chêne.
Le troisième, elle l’accueillit à croupetons, sa fente brûlante obligeamment offerte à la lame qui profondément la saillait et la fourrait. Leur accouplement coïncida si bien avec celui d’une biche que le râle du chasseur se confondit avec le brame du cerf en une longue et unique plainte qui monta crescendo vers le ciel.
Quand Isabelle, assouvie et comblée, quitta la clairière, la lumière avait encore décliné jusqu’à obscurcir ses pensées dépenaillées.
L’équinoxe d’automne approchait de son terme...Mais Isabelle savourait par avance celle du prochain printemps…
Au fait que valait la plume d’un écrivain, aussi futile soit-il ?




1 commentaire:

Adieu collines - poème d'Estelle Sciortino

Dans de grands champs de visions, je chassais l'élan Sûre qu'un jour, mon nom se pendrait à l'horizon Je me disais...