lundi 18 février 2019

Lilith - poème de Jérémy Gouty

















Démon femelle portant le beau nom de Lilith
Elle vient, depuis toujours, troubler ma solitude
Aussitôt qu’elle m’approche, tout en moi se délite
Et j’oublie tout : famille, amis, amour, étude

On a tout dit de toi, chère Lilith, que tu rends
Les garçons sourds ; les vierges à la vertu farouche
Les moines et les naïfs trouvent tous effarants
Les incendies que tu allumes avec ta bouche

Mais faut-il que j’en croie les vieilles légendes juives
Est-il bien vrai, Lilith, que quand nous nous aimons
Tu me fais des enfants : qu’ils deviennent les démons
Qui peuplent mon enfer et qui, partout, me suivent ?

Au physique tu es femme de quarante ans
Ou fillette aux yeux verts, aux cheveux d’incendie
Tu es toutes les femmes, et partout tu attends
Le solitaire : le moine, et aussi le bandit

Car tu hantes le cloître, ainsi que la prison :
A tous ceux que le vœu de chasteté affame
Aux maris un peu las des charmes de leurs femmes
Tu apparais et, tous, ils perdent la raison.

Tu donnes ta préférence au pâle adolescent
Au novice intranquille, dans son abbaye
Soupirant, agité de rêves indécents… 
Mais tu es de tous temps, et de tous les pays.

Tu étais, me dit-on, la première femme d’Adam
Mais vous formiez un couple d’amants capricieux
Il te chassa un jour, et en grinçant des dents
Tu maudis ton Adam, Jéhovah et les cieux !

Dieu donna une épouse un peu moins casanière
Au jeune Adam ; sortie d’une de ses propres côtes
Elle l’aima, ignorant tes folies rancunières
Et ils auraient vécu bien mille ans côte à côte

Mais la rousse Lilith, compagne du dieu Pan
Se mêla d’inspirer tous les mots du serpent  
Quand s’approcha de l’arbre à la maudite sève,  
Des fruits empoisonnés, la naïve et blonde Eve.

Ah ! Ma chère Lilith, mère des insatisfaits
On ne compte plus tes tours, tes ruses et tes méfaits
J’entends encore Adam lorsque Dieu l’a maudit
Pour avoir ignoré le plus grand interdit :

Le premier des hommes dit d’une voix lamentable
En désignant son Eve : «  je ne suis pas coupable !
C’est ma femme qui m’a incité à le faire
Elle doit s’en aller, toute seule, en enfer ! »  

Dieu le chassa quand même, ainsi qu’il est écrit
Adam et Eve furent conduits par deux anges
Aux portes de l’Eden et plongés dans la fange
Mais c’est une autre histoire ; et qu’importent les cris

Du premier des ménages, car, poussant la charrue
Adam, la sueur au front, se prit à rêvasser 
Dans ses songes la rouge Lilith apparut…  
De tes charmes fumeux il n’était point lassé !

Il t’aima de nouveau, étendu dans un songe
Comme dans une alcôve ; il s’éprit d’un mensonge.
Et tous ses fils t’aimèrent, même le doux Abel
Sous la lune, il arrive que tu sois la plus belle.

Et tous ses fils aimèrent, le doux Abel compris 
La sorcière aux yeux rouges, aux séductions sans prix
Ton œil incandescent, Lilith, est le soleil
Qui consume les nuits de nos stériles veilles

C’est là du moins ce que me racontent les mythes… 
Lilith, reine des incubes et sublime sorcière
Jusque dans les cavernes, harcelant les ermites
Jamais lasse de conduire l’homme dans tes souricières,  

Quand comprendras-tu que, malgré tous tes appâts,
Maudite et douce Lilith, non, tu n’existes pas ! 




4 commentaires:

  1. Bien téméraire le poète qui clame cette conclusion ... je ne m'y aventurerai pas de peur que Lilith ne prenne la mouche :D ... à moins d'être munie d'amulettes protectrices de porter par devers moi les noms de Sennoï, Sansennoï, Samangeloph !

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  2. C'est juste un goût pour les grandes figures féminines à travers les âges, les religions, les cultes, et les contes ... (tant de choses encore que je ne connais pas de ce vaste monde)... Les trois anges cités avaient en charge de lutter contre les méfaits de Lilith, qui se vengeait de voir sa progéniture mourir en enlevant ( et tuant je crois bien) les nouveaux-nés. Sennoï, Sansennoï, Samangeloph avaient passé un pacte avec elle. Si les parents avaient écrit/gravé ces trois noms , alors Lilith devait renoncer à son forfait et passer son chemin... La belle démone n'était pas qu'une dangereuse amante ^^. Et, "pour la blague" , je la respecte comme si elle existait ... on ne sait jamais :D

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    1. Superstitieuse ? Théophile Gautier l'était aussi, selon certains...

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Dans de grands champs de visions, je chassais l'élan Sûre qu'un jour, mon nom se pendrait à l'horizon Je me disais...